• Chapitre 5 - Tania

    Je me réveille en sursaut. Je suis essoufflée. Des goûtes de sueurs coulent sur mon visage. J'essaie de me calmer, ce qui n'est pas une chose facile. Puis, je réalise que je viens de faire un énième cauchemar. Je soupire une fois que j'ai récupéré une respiration à peu près normale. Je m'assois sur le bord du lit et je regarde dans le vague avant de fermer les yeux. Même si je ne me suis pas beaucoup réveillée durant la nuit, j'ai l'impression d'être fatiguée comme si j'avais passé une nuit blanche. Et ça, à cause de nombreux cauchemars. Me laisseront-ils jamais tranquille ? Pourquoi m'est-il impossible d'oublier ? C'est bien la question que je me pose souvent. Trop souvent. Je me décide enfin à me lever. Je me dirige d'un pas lent vers la salle de bain pour prendre une douche bien froide, comme j'en ai l'habitude. Je sors rapidement de la cabine. J'enfile un simple jean, un tee-shirt rouge avec un gilet blanc. Je vais ensuite dans la partie cuisine de la pièce principale et je me prépare mon habituel café, après avoir allumé la radio. Comme hier, je ne fais pas attention. Enfin, jusqu'au moment où on annonce un nouveau meurtre...

    « Un nouvel assassinat a eu lieu cette nuit au même endroit ! Une femme, d'une vingtaine d'année, a été tué de la même manière que celle de la nuit précédente, c'est à dire égorgée. Sauf que cette fois-ci, le meurtrier a laissé un message à côté du corps de la victime. L'agent Noah Vitmann, chargé de l'enquête, est entrain de se rendre au domicile de la jeune femme... » 

    Encore une innocente qui a été victime d'un fou qui a envie de répandre le malheur partout où il passe. Je soupire, en étant désolée pour la famille, et continue la préparation de mon café du matin. Mais au moment où je prends ma tasse, quelqu'un frappe brusquement contre la porte de la chambre de motel. Ce qui me surprend et je lâche l'objet qui se brise sur le sol, en répandant son contenu. Je laisse échapper un juron et crie à l'intention de l'invité surprise, ne cachant pas ma mauvaise humeur : 

    -ENTREZ ! 

    La porte s'ouvre et il m'est impossible de ne pas de reconnaître le visiteur. Je soupire. 

    -Encore vous. 
    -Je dois vous parler. M'informe ce crétin d'agent de police d'un ton sérieux et grave. 
    -Asseyez-vous et attendez que je nettoie ce que j'ai fait tomber au moment où vous avez frapper à la porte. Lui dis-je avec un ton rempli de reproche.

    Il s'exécute et attend que j'ai fini de nettoyer tout le café répandu sur le carrelage et j'ai jeté les morceaux de ce qui était il y a encore quelques minutes une tasse. Une fois que j'ai terminé, je suis allée le rejoindre à table. Son regard vert est aussi grave que le ton qu'il avait employé il y a quelques minutes. Je fronce les sourcils, intriguée. 

    -Vous avez dû entendre parler du meurtre de cette nuit... 
    -J'étais avec vous ! Me défendis-je immédiatement. Alors je ne peux pas être le coupable ! 
    -Ce n'est pas pour ça que je suis venu. Vous avez été innocentée, ne vous inquiétez pas. 
    -C'est pour quoi alors ? 
    -Vous avez écouter les informations ce matin ? 
    -Vite fait.
    -Vous savez donc que l'assassin a laissé un message près du corps de la victime. Message qu'il a écrit avec le sang de cette femme. 
    -En quoi cela me concerne ? Commençai-je à m'impatienter. 
    -Le message disait : « Je t'aurai Tania Garyl ». M'annonce-t-il en me montrant une photo de la scène du crime, où je peux voir le message laissé en gros plan. 

    Je me raidis dès que j'entends cette phrase. Mes mains se crispent sur la photographie. Je la repose très lentement sur la table. Je doute que l'abîmer ou la chiffonner soit une bonne idée. Mais à vrai dire, j'ai d'autre soucis qu'une simple image. Ce que je craignais est arrivé. Il a enfin réussi à me rattraper. Et il sait sans doute où je réside. J'aurais dû m'en douter, j'aurais dû. Cette façon, si particulière, qu'il a d'égorger ces deux femmes. Cette façon dont il laisse les corps gisant dans leur propre sang. Le fait qu'il n'a assassiné que des femmes, pour le moment. Tous ces indices auraient dû me mettre sur la voie, dès la première victime. Il faut absolument que je quitte cette ville. Absolument. Certes, je veux mourir, je veux être débarrassée de mon enfer. Mais je ne veux pas que ce soit lui qui me délivre. Non, je ne veux pas. Depuis tant de temps, je passe va vie à le fuir, à l'éviter, mais rien n'y fait. Il me poursuit. Il me traque. Je suis quelqu'un de gênant pour lui. De très gênant même. Puis, en repensant à lui, un flot de souvenirs douloureux défile sous mes yeux. Mon cœur se serre. Il faut que je me retrouve seule. Il faut que cet agent de police, qui me regarde d'un œil inquiet, parte. Oui, il le faut. Maintenant ! 

    -Sortez. Dis-je soudain, encore sous le choc de l'information. 
    -Mais... 
    -SORTEZ ! Hurlai-je, pour qu'il comprenne, que je veux être seule. 

    Il n'insiste pas, à mon grand soulagement. Il sort un papier de la poche de sa veste, ainsi qu'un stylo et note quelque chose.

    -Si vous avez un quelconque problème, appelez moi. Me dit-il, une fois qu'il a fini d'écrire et en me tendant la feuille. Vous n'êtes plus considérée comme un suspect, comme une future victime. Vous allez donc, bénéficier de la protection de la police. Je reviendrai vous voir pour vous poser quelques questions. J'ai bien l'impression que vous savez plus de chose sur ce meurtrier qu'on ne peut le penser. 
    -Votre protection à la noix ne changera rien, l'informai-je, d'un ton légèrement froid et sans le regarder. Sortez maintenant. 

    Il ne rajoute rien et sort. Une fois que la porte s'est refermée derrière lui, je prends le morceau de papier pour voir ce qu'il y avait écrit dessus. Il y avait son nom, Noah Vitmann, suivit d'un numéro de téléphone portable. Je le repose sur la table et je me lève. Je me plante devant la fenêtre et mets mes mains sur mon visage. Je respire un grand coup. Il est ici, quelque part dans cette ville. Et le fait qu'il risque d'attaquer n'importe quand me paralyse de peur. Des images défilent devant mes yeux. Des images de mon ancienne vie, de mes proches, de tous ceux que j'aimais et que j'aime toujours d'ailleurs. Une envie irrésistible de sortir me prend soudain. Je me précipite vers l'extérieur de la chambre et du motel, sans avoir mis quelque chose sur le dos, et je cours. Je cours sur les trottoirs. Je cours droit devant moi. Je ne prête aucune attention à quiconque. Je bouscule sans doute des gens sans faire attention. Pourtant, je ne distingue pas de protestation. Ma détresse se voit-elle autant que ça sur mon visage ? Ce serait donc des larmes que je sens couler sur mes joues ? A vrai dire, je ne fais plus attention à quoique ce soit. Je me contente de courir, jusqu'à ce que mes jambes me disent stop, qu'elles n'en peuvent plus. En peu de temps, je commence à avoir du mal à respirer. Soudain, je m'écroule à genoux sur le sol. J'ai dû quitter la ville, car je ne vois aucune maison, ni rien de construit d'ailleurs. C'est tout ce que je peux dire, ma vision étant floue à cause des larmes. Je laisse mon chagrin et ma douleur, longtemps contenus, prendre possession de moi. Tous les souvenirs, aussi bien heureux que malheureux ressurgissent en moi. Je revois ma mère m'apprendre à jouer du piano, mon père me sauvant de la noyade quand j'avais 5 ans. Je revois aussi mon grand-père me prendre dans ses bras pour me consoler après la mort de ma mère, et après la mort de mon père. Je revois mon frère jumeau qui a toujours été là et qui a toujours su me comprendre, sans doute grâce au lien qui nous unissait. Et je revois aussi tous mes amis, notamment Aurélie. Ils me manquent tous. J'ai mal au fond de moi. Une douleur impossible à définir est présente en moi, ainsi qu'un immense vide. 
    Je me souviens parfaitement de mon frère, Jonathan. Il était aussi brun que moi mais à la différence de moi, il avait hérité des yeux marron foncé de notre père. Lui et moi, nous étions soudés. Il savait quand j'allais mal, je savais quand c'était le cas pour lui. Il a toujours été là pour moi. Toujours. A ses yeux, j'étais plus importante que n'importe qui d'autre. Il me l'a dit, juste avant de disparaître dans mes bras. J'éclate à nouveau en sanglot en repensant à lui. Il est sans doute la personne qui me manque le plus, dont l'absence m'est encore plus douloureuse. C'était mon frère, celui avec qui j'ai tout partagé. Il me manque terriblement. J'aimerai tant qu'il soit là, avec moi. S'il était là, il me prendrait dans ses bras et me bercerait jusqu'à que je me calme. Mais là, je suis seule, terriblement seule. Je suis seule sur cette plaine. Je suis seule dans ma vie. Je n'ai personne, strictement personne. Tout m'a été enlevé. Tout. Je n'ai plus rien. Plus rien du tout. Pourquoi a-t-il fallu que cela m'arrive à moi ? Pourquoi faut-il que je souffre autant ? Pourquoi m'avoir tout pris ? Pourquoi suis-je si seule ? Pourquoi je n'arrive pas à tourner la page ? Pourquoi je n'arrive pas à oublier ? Pourquoi ? Mais pourquoi ? 
    J'aimerais tant mourir, que ce calvaire se termine enfin. Je voudrais avoir le courage de me lever et de sauter de la falaise qui est devant moi. Pourquoi n'ai-je pas ce courage ? Pourquoi faut-il que je continue de vivre dans cette souffrance que je dois subir chaque jour, chaque nuit, chaque heure, chaque minute, chaque seconde ? Pourquoi ne puis-je pas connaître la paix intérieure ? Pourquoi ne puis-je pas connaître le bonheur ? Pourquoi dois-je souffrir autant ? Quel est le but de tout ça ? Qu'est-ce que j'ai bien pu faire dans ma vie pour mériter tout ça ? Pourquoi je n'arrive pas à me relever et d'aller de l'avant ? Pourquoi je n'arrive pas à affronter mes vieux démons ? Pourquoi je n'arrive pas à accepter une quelconque aide ? Pourquoi je m'enfonce dans une solitude qui me déchire de jour en jour ? Pourquoi suis-je aussi désespérée ? Pourquoi tant de désespoir ?

     Pourquoi ? Mais pourquoi ? Pitié, que quelqu'un me libère de cette souffrance !


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