• A la Quête d'un Sourire

    La nuit était tombée, mais bon nombre de personnes étaient encore dans les rues en ce début de soirée. Un père et sa fille de cinq ans faisaient partie de ces gens là, l'adulte tenant fermement et tendrement la main de l'enfant. Ils marchaient tranquillement, n'étant pas pressés, et la fillette regardait avec émerveillement les flocons de neige qui tombaient du ciel, ainsi que les magnifiques décorations de Noël. Son père observait en souriant son petit miracle, comme il l'appelait souvent. En effet, lui et sa tendre épouse n'espéraient plus, ne pensaient plus avoir le droit, la joie, de fonder leur propre famille, tellement que cela faisait longtemps qu'ils essayaient. Facilement plus d'un an. Presque deux. Ils avaient presque perdu espoir, lorsqu'un beau matin d'avril, Meredith annonça à son mari qu'ils allaient avoir, enfin, un enfant. Leur enfant. Qui a montré le bout de son nez un 25 décembre, faisant le bonheur de ses parents. Malheureusement, la vie a fait que la toute jeune mère succomba de complications suite à l'accouchement. Mais le père a toujours considéré sa fille comme un miracle, malgré le décès de son épouse. Une fille qu'il a appelé Victoria, comme l'a toujours voulu la mère de l'enfant. Et il aimait sa fille, le dernier cadeau de la femme de sa vie, lui racontant du mieux qu'il pouvait sa vie avec sa mère, tout en lui montrant des photos. Pour qu'elle sache qui était celle qui l'a mise au monde. La fillette se délectait toujours de ces petites histoires, les écoutant avec attention.

    Soudain, la fillette tendit le doigt avec un immense sourire sur le visage, tout en s'écriant joyeusement : «le Père Noël !». Le père sourit tout en voyant en son tour l'homme vêtu de rouge, touché par l'innocence de son enfant.

    «-Tu veux aller lui parler ?» Lui demanda-t-il d'une voix tendre, tout passant ses doigts entre les boucles dorées de la petite fille d'un geste remplit d'affection. Elle ne tarda pas à accepter, tout en sautillant de joie. Une fois arrivés à la hauteur du Père Noël, ce dernier commença à s'adresser à la fillette, tandis que son père en profitait pour retirer de l'argent au distributeur automatique juste à côté.

    «-Que veux-tu pour Noël, Tori ?» Interrogea alors le vieil homme.

    «-Une maman ! Et que Papa soit heureux !» Répondit sans hésiter la petite fille.

    Mais soudain, son père tomba à genoux par terre, alors qu'un parfait inconnu vint de lui donner un profond coup de couteau pour lui voler son argent. Les gens s'affolèrent, alors que la petite fille ne comprenait pas ce qui se passait. Elle avança vers son père, le secouant pour le faire réagir. Elle pensait qu'il plaisantait, qu'il voulait jouer avec elle. Mais ce n'était pas un jeu, et la malheureuse enfant le comprit bien vite.

    La neige continuait de tomber, alors que les larmes d'une toute jeune orpheline commençaient à couler...

     

    Cinq ans plus tard...

    Elle restait devant la maison, tremblant malgré son manteau. Elle ne pourrait pas dire depuis combien de temps elle était là, à regarder ce domicile familial dans lequel elle logeait depuis plus d'un mois. Elle n'avait pas envie de rentrer, et pourtant, elle savait qu'elle n'avait pas le choix. Elle n'avait nulle part où aller, aucun ami à qui rendre visite, aucune famille à qui parler. Aucun moyen de retarder l'heure à laquelle il faudra rentrer et affronter son douloureux quotidien. Et le froid de l'hiver ne l'aidait pas à rester le plus longtemps possible en dehors de cette maison de malheur. Elle soupira, se frotta énergiquement les mains pour les réchauffer et remonta la bretelle de son sac à dos, pour finir par regarder le ciel, comme si elle faisait une prière pour se donner du courage. Elle remontait l'allée d'un pas lent, espérant qu'il sera de bonne humeur, et qu'il fera comme si elle n'était pas là, comme si elle n'existait pas. Elle se stoppa devant la portée d'entrée, tête basse. Elle sortit son pendentif en forme d'étoile filante, dernier cadeau de son père, espérant qu'il lui porterait chance. Elle ouvrit doucement la porte avec une boule au ventre. Elle entra à l'intérieur le plus discrètement possible, puis se précipita vers les escaliers.

    «-Victoria!» Tonna la voix du chef de famille qui l'accueillait pour un temps indéterminé.

    La jeune fille s'arrêta dans son avancé, soupira une nouvelle fois, puis elle alla dans le salon dans lequel se trouvait l'homme, assez baraqué, qui lui faisait tant peur. Elle conserva la tête basse, préférant regarder ses pieds, et ne dit pas un mot. Au son de sa voix, elle avait deviné que ses prières ont été tout bêtement ignoré.

    «-C'est à cette heure-ci que tu rentres ? Regarde moi quand je te parle ! » S'écria-t-il énervé, tout en posant son verre de whisky sur la table basse.

    Victoria n'osa cependant pas lever la tête, tétanisée par la voix grave et forte de son beau-père. Et avant même qu'elle eut le temps de faire, dire, quoique ce soit, la main de l'imposant homme claqua contre sa joue. Elle vacilla sous le choc, puis posa l'une de ses mains sur sa joue, les larmes aux yeux. Cette première gifle était la première d'une série de coups, qu'elle accusa avec difficulté. Une fois qu'il la laissa, pour l'instant, tranquille, elle se dépêcha de retourner dans sa chambre où elle se laissa tomber sur son lit, en pleurs.

    Le lendemain matin, en arrivant à l'école, elle eut la surprise de voir son institutrice en compagnie d'une assistante sociale. Maintenant, elle arrivait à les reconnaître de loin. La jeune assistante s'agenouilla pour être à son niveau et commença à lui parler. Elle lui informa que quelqu'un avait remarqué que quelque chose n'allait pas, à cause du fait qu'elle boitait souvent ainsi que ses nombreux bleus sur les bras. Victoria baissa la tête, et ne dit rien. Elle savait que le soir même, elle allait retourner à l'orphelinat en attendant d'être placée dans une nouvelle famille d'accueil. Elle l'avait comprit dès l'instant où elle a vu l'assistante sociale. Dans l'après-midi, elle était assise sur un banc dans la cour, regardant les autres enfants de son âge jouer, alors qu'elle restait seule dans son coin.

    «-Est-ce que tu m'en veux ?» L'interrogea soudainement une voix, la faisant sursauter. Victoria tourna la tête et vit un garçon qu'elle reconnut sans peine, et pour cause, il était dans la même classe qu'elle. Elle lui lança un regard intrigué avant qu'il n'ajoute : «-C'est moi qui est prévenu Madame Orson. Pour tes bleus et le fait que tu boites souvent. Tu ne m'en veux pas ?» En réponse, elle lui sourit.

     

    Dix ans plus tard...

    «-Tu es certaine que c'est ça que tu veux ?» Lui demanda Dan, alors que la jeune femme était entrain de nettoyer une table d'un petit restaurant de quartier. «Tu pourrais peut-être...»

    «-Je n'arriverai jamais à avoir mon diplôme niveau lycée.» Le coupa-t-elle aussitôt dans un soupir. «Et je n'aurai jamais les moyens pour aller dans une université de toute façon, alors je ne vois pas pourquoi je devrais perdre mon temps à étudier. De toute façon, je n'ai pas trop le choix. Il faut que je travaille pour vivre maintenant.»

    Son meilleur et unique ami l'observa d'un œil inquiet, craignant que ce n'était pas ce qu'elle voulait, au fond. Il savait qu'elle avait toujours aimé étudier, apprendre de nouvelles choses, mais le manque de stabilité dans sa vie ne l'avait pas aidé à réussir dans ses études au lycée, bien au contraire. Et cela lui faisait de la peine, d'autant plus qu'il ne parvenait pas à la soutenir comme il le souhaiterait.

    «-Ca va aller, ne t'en fait pas.» Lui assura-t-elle ensuite.

    «-Mouais.» Ne sembla-t-il pas convaincu pour autant.

     

    Cinq ans plus tard...

    Victoria était seule dans son petit studio délabré, perdu dans un bâtiment d'un quartier peu fréquentable. Elle restait allongée sur le canapé qui lui servait également de lit, regardant la neige tombée au travers de sa fenêtre. Elle tremblait comme une feuille, n'ayant pas de chauffage par manque de moyen. Elle finit par se lever, prendre son manteau, son écharpe et ses gants, puis sortit d'un pas précipité de chez elle. Une fois dehors, elle vagabonda dans les rues d'un pas lent, sans rien faire d'autre. Marcher pour marcher. Marcher pour réfléchir. Se souvenir de ses vingt-cinq longues années d'existence, qu'elle jugeait complètement gâchée. Elle repensa à son père, assassiné devant ses yeux d'enfant, son beau-père qui la battait sans le moindre remord, ainsi qu'à l'échec de ses études. Elle passait son temps à travailler dans différents petits restaurants et bars, pour gagner un peu d'argent. Elle faisait ce qu'elle pouvait pour vivre, s'accordant peu de temps libre pour s'occuper d'elle. Si bien qu'elle ne ressemblait plus à grand chose, et elle s'en rendit compte lorsqu'elle aperçut son reflet dans une vitrine d'un magasin. Son visage était étrangement pâle et fatiguée. Ses cheveux , autrefois d'une jolie couleur dorée, étaient ternes, pleins de nœuds et attachés en queue de cheval fait à la va vite. Ses vêtements étaient usés, et pourraient même servir de torchon.

    «-Je fais pitié. Je ferais peur à un vampire.» Songea-t-elle dans un soupir, avant de poursuivre sa marche.

    Quelques minutes plus tard, elle arriva au niveau d'un pont. Elle s'approcha du bord, et vit l'eau du fleuve coulé tranquillement juste en dessous, suivant un chemin déjà tracé. Elle regarda le vide avec envie, puis se remit à penser à l'enfer qu'est devenu son quotidien.

    «-Je n'ai pas de présent et pas d'avenir. A quoi bon tenir ?» Se dit-elle ensuite, et s'approchant encore un peu plus du bord. Elle ignorait l'heure qu'il était, mais elle savait qu'à cette heure, plus personne ne passait sur ce pont. Sauter serait tellement facile...

    Dès lors, sans réfléchir, elle monta sur le bord du pont, se tenant sur le pilier. Elle regardait vers le bas. Elle se dit qu'elle ne manquerait à personne, vu qu'elle était constamment seule. Peut-être à son meilleur ami, parti à l'autre bout du pays à Los Angeles, mais il l'oublierait vite. Elle n'était rien, après tout. Juste une pauvre fille qui n'avait jamais eu de chance. Elle se concentra sur le vide, tout en se disant que sauter serait sans doute la meilleure chose qu'elle ferait dans sa vie. Elle ne faisait plus attention à rien, pas même au soudain crissement de pneus justement derrière elle. Elle n'entendait pas les cris d'un homme qui la suppliait de ne pas sauter. Et alors qu'elle s'apprêtait à se laisser tomber, deux bras l'empoigna par la taille, et la ramena en arrière. Elle se débattit, lui criant de la laisser tranquille, de la laisser mourir. Mais l'homme ne la lâchait pas. Puis, elle abandonna. Encore une fois. Elle se jeta presque dans les bras de cet inconnu, pleurant sans parvenir à s'arrêter. Elle lui dit qu'elle n'en pouvait plus de sa vie, se mettant ensuite à lui conter son existence, commençant par cette mère qu'elle n'a jamais connu, jusqu'au chaos qu'est devenu son quotidien. L'inconnu se contenta de l'écouter, tout en la serrant contre lui. Il finit par s'asseoir sur le trottoir, l'entrainant avec lui. Il essaya de la calmer, de la rassurer, et elle se laissa bercer par ses paroles, par le réconfort de son étreinte. Quelques minutes plus tard, il finit par se lever, alors qu'elle resta assise. Elle le regarda, se disant qu'il allait partir, et que plus jamais elle ne le reverrait.

    «-Je veux vous aider.» Lui dit-il avec assurance.

    «-Pourquoi ?» Lui demanda-t-elle alors. «Je ne mérite pas votre aide. Je ne suis qu'une pauvre fille sans importance et qu'on oublie.»

    «-Parce que j'ai envie de vous prouver que vous avez tort. Il n'est jamais trop tard. On peut toujours avoir une vie meilleure si l'on s'en donne les moyens. Il n'est jamais trop tard pour décider d'être heureux. Il suffit de faire le choix du bonheur, et c'est déjà un grand pas vers la guérison. J'ai envie de vous aider à croire de nouveau en la vie, en l'existence. Vous aidez à vous battre, et devenir quelqu'un. Une personne dont vos parents seraient fiers. Et j'ai envie de vous aidez, pour voir à quoi ressemble votre visage lorsqu'il est illuminé par un sourire.» Conclut-il en lui tenant la main, un air bienveillant sur le visage.

    Elle hésita un instant, mais elle finit par prendre cette main tendue qui l'aida alors, à se relever.

     

    Dix ans plus tard....

    Elle stressait. Mais elle était aussi très excitée. Mais elle stressait quand même, en le faisant savoir à son meilleur ami, évidemment présent en ce jour important pour elle. En même temps, il l'admirait, se disant qu'elle était sublime dans sa magnifique robe blanche de princesse, ressemblant presque à un ange en robe de mariée.

    «-On y va ? C'est l'heure.» Lui dit-il alors, alors que la jeune femme acquiesça aussitôt.

    La musique retentit. Une boule se forma dans son ventre. Puis elle leva la tête. Et elle ne vit que lui. Pas les quelques invités, pas le prête, lui. Elle avança alors d'un pas assuré jusqu'à l'autel, jusqu'à l'homme qui a changé sa vie, et à qui elle s'apprêtait à dire oui. Et à qui elle dit oui avec un immense sourire heureux. Les alliances sont échangés, un baiser est partagé. Ils sont ensemble, jusqu'à ce que la mort les sépare.

     

    Dix ans plus tard...

    Le feu crépitait doucement dans la cheminée, créant une magnifique ambiance chaleureuse dans le salon. Tori le regardait avec un sourire, ne faisant plus attention à ce qui se passait autour d'elle, perdue dans ses souvenirs.

    «-Maman ? Ca va pas Maman ?» L'interpella soudain une petite voix

    Elle baissa alors les yeux pour admirer la frimousse de son fils. Elle lui sourit, puis passa sa main dans les cheveux caramels de son enfant, pour enfin le prendre pour le poser sur ses genoux. Elle le serra ensuite dans les bras lorsque le troisième membre de la famille rentra enfin d'une longue journée de travail. Il s'approcha de sa petite famille. Il embrassa sa femme, ébouriffa les cheveux de son fils, puis posa sa main d'un geste tendre sur le ventre bien arrondi de son épouse. Cette dernière le regardait avec amour, tout en serrant son fils, Matthew, contre son cœur.

    «-Tu es magnifique quand tu souris, mon ange.» Lui susurra soudain le père de famille, tout en posant tendrement la main sur la joue de l'élue de son cœur.

    En guise de réponse, elle sourit.

     

     

    ------------------------------------------------------------------------------------------Estelle, Novembre 2011 

     


  • Commentaires

    1
    Marion
    Mardi 15 Avril 2014 à 21:00

    Ce texte est vraiment magnifique Estelle. Touchant du début à la fin et avec une belle leçon de vie à la clé : ne jamais baisser les bras. 

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