• L'affaire a fait la Une des journaux. Tout comme elle a choqué toute la ville, et même au-delà, je crois. Il y a de quoi en même temps, une jeune fille qui se suicide alors qu'en apparence, elle n'avait rien d'extraordinaire, c'est la recette pour surprendre un maximum de gens, même si ce n'était pas le but de cet acte irréversible. Un acte, qui n'a pas été sans conséquence.

    Tout le monde s'est rendu compte de nos problèmes, qui se sont accentués. Mon père a reproché à ma mère d'avoir été incapable de s'occuper de moi. Il lui fallait un coupable. Et ce coupable était ma mère. Cette dernière n'a jamais rien répliqué. Elle ne parle plus d'ailleurs. Elle s'est enfoncée dans un profond mutisme, traumatisée d'avoir vu sa propre fille se tuer devant ses yeux. Elle n'a même pas été là pour mon enterrement. Mon père non plus d'ailleurs, trop occupé avec sa pétasse blonde.

    Mon prof de français, M. Torwell, était là, par contre. Comme d'autres professeurs. Ainsi que certains élèves. La psychologue scolaire aussi. Et des membres de la famille dont j'ai oublié jusqu'à leur existence. Ils sont venus me rendre un dernier hommage, même s'ils ne trouveront jamais la réponse à ma mort. Ils chercheront toujours la cause, sans jamais la trouver. Ils auront des hypothèses. Certains pensent que je ne pouvais plus supporter le point qu'était la dépression de ma mère, d'autres supposent que c'est ma folie qui m'a conduit à me planter un couteau dans le coeur. Mais jamais aucune certitude.

    Comment expliquer quelque chose qui ne s'explique pas ? Moi même je ne connais pas la réponse. Je pensais aimer mon Ange blond, mais il n'était que le fruit de mon imagination. Un signe de ma mort prochaine. Comme si mon subconscient me prévenait que j'allais bientôt m'ôter moi-même la vie. Je cherche une réponse. J'ai du mal à me souvenir de ce qui s'est passé exactement ce soir-là, lors du crépuscule. C'était comme si mon corps ne m'appartenait plus. Comme si quelqu'un d'autre le dirigeait à ma place. Mais du coup, je suis dans le même cas que ces personnes qui s'interrogent.

    Alors, j'essaie de me souvenir. De me remémorer chaque moment, chaque mois, chaque semaines, chaque jours, chaque heures, chaque minutes, chaque secondes qui m'a conduit jusqu'à la mort. Sans trouver de réponse.

    Je sais juste que j'avais l'impression de mener une vie de rêve auprès de cet Ange blond. Il m'apportait joie et réconfort lorsque je n'allais pas bien. Mais ce rêve n'était qu'une illusion. Car ma vie était chaotique. Et j'essayais de me consoler comme je pouvais, en m'inventant un individu qui n'existait pas. Je voulais que ce rêve dure, et ne cesse jamais. Mon Ange blond n'était que le reflet de ce désir qui me semblait pourtant si inaccessible.

    Mais aujourd'hui, je me rends compte que j'ai fait une énorme erreur. Mais je ne peux plus revenir en arrière. Je ne cesse de me souvenir, tout en me demandant comment aurait été ma vie si je n'avais pas céder à la facilité...

    Mais je ne saurai jamais.

     

     

    ----------------------------------------------------------------------------------------------Estelle, Août 2010


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  • Je ne bouge pas, ou du moins, j'évite de bouger. Je suis à l'affut, guettant le moindre bruit. Je ne vois pas grand chose, la nuit est tombée depuis longtemps, et seul un filet de lumière transperce les ténèbres. Je fais un pas sur le côté, mon regard se pose sur les moindres recoins de mon environnement, malgré le manque évident de luminosité. Je reste parfaitement calme malgré l'ambiance lourde, pesante, et le silence assourdissant, qui est source d'angoisse pour beaucoup. Je serre mon arme dans ma main gauche, prête à m'en servir si nécessaire... Si nécessaire... Je laisse échapper un petit rire discret rien qu'à cette pensée, tellement que ces deux mots sont inutiles. Quoiqu'il arrive, je m'en servirai. Elle représente mon unique moyen de défense. J'avais une autre arme auparavant, mais je l'ai maladroitement perdue. Je me dois donc de préserver la dernière, et de l'utiliser à bonne escient. Je serais vulnérable si je venais à être désarmée. Totalement à la merci de mon ennemi invisible dans le noir de l'obscurité de la nuit. Il pourra faire ce qu'il désire de moi, me sucer jusqu'à la moelle s'il le souhaite. Une torture pour moi, une longue torture que je souhaite à tout prix éviter. Et pour cela, je dois l'avoir avant qu'il ne m'attrape. Je dois trouver sa cachette et l'anéantir. Ainsi, je n'aurai plus à craindre une attaque imminente de sa part. Je serai en paix. Je n'aurais plus cette angoisse persistante qui me tenaille au fond de mon être, retournant dans tous les sens mes boyaux. Mais pour cela, il faut que je le mette hors d'état de nuire, je n'ai pas d'autre choix. Ce soir, je vais ôter une vie, pour ne pas subir une insoutenable torture à cause de mon ennemi. Ce sera lui, ou moi. Et personnellement, je préfèrerai que ce soit lui.

    Soudain, j'entends un bruit. Je fais volte face, levant le bras gauche, prête à frapper. Ma respiration s'accélère, la pression monte. Je me concentre. Mon regard tente de percer les ténèbres. Je m'approche légèrement. Mais le silence a repris sa place, dominant le monde sans aucun problème. " Sans doute un animal." , songeai-je intérieurement. Je laisse échapper un soupir d'un profond agacement. Je me suis laissée déconcentrée. Peut-être que mon ennemi naturel à commencer à avancer, à désirer de prendre le dessus sur ma personne. Je me retourne alors brusquement, m'attendant à tout moment à le voir se jeter sur moi, manifestant un profond appétit dans son regard sournois. M'attaquant par surprise pour me détruire, détruire mon existence, sans me laisser aucune possibilité de défense. Mon ennemi est vil, et sans aucune pitié. Il ne pense qu'à son propre intérêt, se fichant bien des conséquences de ses actes. Il agit, sans aucune once de réflexion, et attaque sa victime sans défense qui ne voit rarement le coup venir. Mais après, il est trop tard pour elle, pour réagir et essayer de s'en sortir. Une fois qu'il est parvenu à son but, il n'y a plus rien à faire pour tenter d'échapper au terrible destin que réserve ce cruel individu. Et je refuse d'être une victime, d'être la proie sur laquelle il va se jeter et se délecter. Je veux être le chasseur, et lui deviendra le chassé. Il n'en peut être autrement. Parce que je l'ai décidé. Et je pars toujours du principe qu'avec de la volonté, on peut avoir ce que l'on souhaite. Alors, je vais y arriver. Je peux le faire. Et je vais le faire. Je vais le trouver. Et je vais l'éliminer. Il ne fera plus aucun mal. Grâce à moi, d'autres personnes vont être épargnées de sa cruauté. Certes, ce ne sera qu'une petite victoire. Il en existe d'autres. Beaucoup d'autres. La guerre ne sera jamais gagnée. Mais au moins, j'aurai vaincu. Il aura perdu. Les plus petites victoires font les grandes.

    Et là, soudain, j'entends de nouveau un bruit. Je fais volte face, encore une fois. Le bruit est continu. Un mince sourire d'une immense satisfaction apparaît sur mes lèvres.

    Je l'ai trouvé.

    Je serre mon arme, et je m'approche doucement, laissant mon ouïe me guider dans mes pas, dans mon avancé vers la victoire. Ma vue étant habituée à l'obscurité, je parviens à l'apercevoir entre deux fins filets de lumière. Il se repose tranquillement, comme s'il était tout blanc comme un innocent. Alors qu'il est tout noir, ce cruel. Je m'avance tout doucement, à pas de loup. Mes gestes sont amples et légers. J'essaie de faire le moins de bruit possible, évitant de faire craquer le sol sous mes pieds. Il ne faut pas qu'il me remarque, qu'il s'aperçoit que je m'approche de lui, telle que qu'une terrible menace pour sa pitoyable existence. Il ne bouge pas. Je m'arrête, jugeant être suffisamment proche pour mettre à ses misérables jours inutiles. Je lève mon bras, tenant toujours fermement mon arme, prête à porter un coup fatal. Ici s'achève une histoire. Son histoire. Parce que je vais le tuer, et je serai en paix.

    D'un geste rapide, je le frappe sans qu'il n'est vu quoique ce soit venir. D'un brusque coup, j'ai mis fin à son sort insignifiant.

    Je recule vivement, et j'appuie sur un bouton. La lumière s'allume. Je contemple avec fierté la tâche noir sur le mur en face de moi.

    Je t'ai eu, saloperie de moustique !

     

     

    --------------------------------------------------------------------------------------Estelle, Novembre 2011


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  • La nuit était tombée, mais bon nombre de personnes étaient encore dans les rues en ce début de soirée. Un père et sa fille de cinq ans faisaient partie de ces gens là, l'adulte tenant fermement et tendrement la main de l'enfant. Ils marchaient tranquillement, n'étant pas pressés, et la fillette regardait avec émerveillement les flocons de neige qui tombaient du ciel, ainsi que les magnifiques décorations de Noël. Son père observait en souriant son petit miracle, comme il l'appelait souvent. En effet, lui et sa tendre épouse n'espéraient plus, ne pensaient plus avoir le droit, la joie, de fonder leur propre famille, tellement que cela faisait longtemps qu'ils essayaient. Facilement plus d'un an. Presque deux. Ils avaient presque perdu espoir, lorsqu'un beau matin d'avril, Meredith annonça à son mari qu'ils allaient avoir, enfin, un enfant. Leur enfant. Qui a montré le bout de son nez un 25 décembre, faisant le bonheur de ses parents. Malheureusement, la vie a fait que la toute jeune mère succomba de complications suite à l'accouchement. Mais le père a toujours considéré sa fille comme un miracle, malgré le décès de son épouse. Une fille qu'il a appelé Victoria, comme l'a toujours voulu la mère de l'enfant. Et il aimait sa fille, le dernier cadeau de la femme de sa vie, lui racontant du mieux qu'il pouvait sa vie avec sa mère, tout en lui montrant des photos. Pour qu'elle sache qui était celle qui l'a mise au monde. La fillette se délectait toujours de ces petites histoires, les écoutant avec attention.

    Soudain, la fillette tendit le doigt avec un immense sourire sur le visage, tout en s'écriant joyeusement : «le Père Noël !». Le père sourit tout en voyant en son tour l'homme vêtu de rouge, touché par l'innocence de son enfant.

    «-Tu veux aller lui parler ?» Lui demanda-t-il d'une voix tendre, tout passant ses doigts entre les boucles dorées de la petite fille d'un geste remplit d'affection. Elle ne tarda pas à accepter, tout en sautillant de joie. Une fois arrivés à la hauteur du Père Noël, ce dernier commença à s'adresser à la fillette, tandis que son père en profitait pour retirer de l'argent au distributeur automatique juste à côté.

    «-Que veux-tu pour Noël, Tori ?» Interrogea alors le vieil homme.

    «-Une maman ! Et que Papa soit heureux !» Répondit sans hésiter la petite fille.

    Mais soudain, son père tomba à genoux par terre, alors qu'un parfait inconnu vint de lui donner un profond coup de couteau pour lui voler son argent. Les gens s'affolèrent, alors que la petite fille ne comprenait pas ce qui se passait. Elle avança vers son père, le secouant pour le faire réagir. Elle pensait qu'il plaisantait, qu'il voulait jouer avec elle. Mais ce n'était pas un jeu, et la malheureuse enfant le comprit bien vite.

    La neige continuait de tomber, alors que les larmes d'une toute jeune orpheline commençaient à couler...

     

    Cinq ans plus tard...

    Elle restait devant la maison, tremblant malgré son manteau. Elle ne pourrait pas dire depuis combien de temps elle était là, à regarder ce domicile familial dans lequel elle logeait depuis plus d'un mois. Elle n'avait pas envie de rentrer, et pourtant, elle savait qu'elle n'avait pas le choix. Elle n'avait nulle part où aller, aucun ami à qui rendre visite, aucune famille à qui parler. Aucun moyen de retarder l'heure à laquelle il faudra rentrer et affronter son douloureux quotidien. Et le froid de l'hiver ne l'aidait pas à rester le plus longtemps possible en dehors de cette maison de malheur. Elle soupira, se frotta énergiquement les mains pour les réchauffer et remonta la bretelle de son sac à dos, pour finir par regarder le ciel, comme si elle faisait une prière pour se donner du courage. Elle remontait l'allée d'un pas lent, espérant qu'il sera de bonne humeur, et qu'il fera comme si elle n'était pas là, comme si elle n'existait pas. Elle se stoppa devant la portée d'entrée, tête basse. Elle sortit son pendentif en forme d'étoile filante, dernier cadeau de son père, espérant qu'il lui porterait chance. Elle ouvrit doucement la porte avec une boule au ventre. Elle entra à l'intérieur le plus discrètement possible, puis se précipita vers les escaliers.

    «-Victoria!» Tonna la voix du chef de famille qui l'accueillait pour un temps indéterminé.

    La jeune fille s'arrêta dans son avancé, soupira une nouvelle fois, puis elle alla dans le salon dans lequel se trouvait l'homme, assez baraqué, qui lui faisait tant peur. Elle conserva la tête basse, préférant regarder ses pieds, et ne dit pas un mot. Au son de sa voix, elle avait deviné que ses prières ont été tout bêtement ignoré.

    «-C'est à cette heure-ci que tu rentres ? Regarde moi quand je te parle ! » S'écria-t-il énervé, tout en posant son verre de whisky sur la table basse.

    Victoria n'osa cependant pas lever la tête, tétanisée par la voix grave et forte de son beau-père. Et avant même qu'elle eut le temps de faire, dire, quoique ce soit, la main de l'imposant homme claqua contre sa joue. Elle vacilla sous le choc, puis posa l'une de ses mains sur sa joue, les larmes aux yeux. Cette première gifle était la première d'une série de coups, qu'elle accusa avec difficulté. Une fois qu'il la laissa, pour l'instant, tranquille, elle se dépêcha de retourner dans sa chambre où elle se laissa tomber sur son lit, en pleurs.

    Le lendemain matin, en arrivant à l'école, elle eut la surprise de voir son institutrice en compagnie d'une assistante sociale. Maintenant, elle arrivait à les reconnaître de loin. La jeune assistante s'agenouilla pour être à son niveau et commença à lui parler. Elle lui informa que quelqu'un avait remarqué que quelque chose n'allait pas, à cause du fait qu'elle boitait souvent ainsi que ses nombreux bleus sur les bras. Victoria baissa la tête, et ne dit rien. Elle savait que le soir même, elle allait retourner à l'orphelinat en attendant d'être placée dans une nouvelle famille d'accueil. Elle l'avait comprit dès l'instant où elle a vu l'assistante sociale. Dans l'après-midi, elle était assise sur un banc dans la cour, regardant les autres enfants de son âge jouer, alors qu'elle restait seule dans son coin.

    «-Est-ce que tu m'en veux ?» L'interrogea soudainement une voix, la faisant sursauter. Victoria tourna la tête et vit un garçon qu'elle reconnut sans peine, et pour cause, il était dans la même classe qu'elle. Elle lui lança un regard intrigué avant qu'il n'ajoute : «-C'est moi qui est prévenu Madame Orson. Pour tes bleus et le fait que tu boites souvent. Tu ne m'en veux pas ?» En réponse, elle lui sourit.

     

    Dix ans plus tard...

    «-Tu es certaine que c'est ça que tu veux ?» Lui demanda Dan, alors que la jeune femme était entrain de nettoyer une table d'un petit restaurant de quartier. «Tu pourrais peut-être...»

    «-Je n'arriverai jamais à avoir mon diplôme niveau lycée.» Le coupa-t-elle aussitôt dans un soupir. «Et je n'aurai jamais les moyens pour aller dans une université de toute façon, alors je ne vois pas pourquoi je devrais perdre mon temps à étudier. De toute façon, je n'ai pas trop le choix. Il faut que je travaille pour vivre maintenant.»

    Son meilleur et unique ami l'observa d'un œil inquiet, craignant que ce n'était pas ce qu'elle voulait, au fond. Il savait qu'elle avait toujours aimé étudier, apprendre de nouvelles choses, mais le manque de stabilité dans sa vie ne l'avait pas aidé à réussir dans ses études au lycée, bien au contraire. Et cela lui faisait de la peine, d'autant plus qu'il ne parvenait pas à la soutenir comme il le souhaiterait.

    «-Ca va aller, ne t'en fait pas.» Lui assura-t-elle ensuite.

    «-Mouais.» Ne sembla-t-il pas convaincu pour autant.

     

    Cinq ans plus tard...

    Victoria était seule dans son petit studio délabré, perdu dans un bâtiment d'un quartier peu fréquentable. Elle restait allongée sur le canapé qui lui servait également de lit, regardant la neige tombée au travers de sa fenêtre. Elle tremblait comme une feuille, n'ayant pas de chauffage par manque de moyen. Elle finit par se lever, prendre son manteau, son écharpe et ses gants, puis sortit d'un pas précipité de chez elle. Une fois dehors, elle vagabonda dans les rues d'un pas lent, sans rien faire d'autre. Marcher pour marcher. Marcher pour réfléchir. Se souvenir de ses vingt-cinq longues années d'existence, qu'elle jugeait complètement gâchée. Elle repensa à son père, assassiné devant ses yeux d'enfant, son beau-père qui la battait sans le moindre remord, ainsi qu'à l'échec de ses études. Elle passait son temps à travailler dans différents petits restaurants et bars, pour gagner un peu d'argent. Elle faisait ce qu'elle pouvait pour vivre, s'accordant peu de temps libre pour s'occuper d'elle. Si bien qu'elle ne ressemblait plus à grand chose, et elle s'en rendit compte lorsqu'elle aperçut son reflet dans une vitrine d'un magasin. Son visage était étrangement pâle et fatiguée. Ses cheveux , autrefois d'une jolie couleur dorée, étaient ternes, pleins de nœuds et attachés en queue de cheval fait à la va vite. Ses vêtements étaient usés, et pourraient même servir de torchon.

    «-Je fais pitié. Je ferais peur à un vampire.» Songea-t-elle dans un soupir, avant de poursuivre sa marche.

    Quelques minutes plus tard, elle arriva au niveau d'un pont. Elle s'approcha du bord, et vit l'eau du fleuve coulé tranquillement juste en dessous, suivant un chemin déjà tracé. Elle regarda le vide avec envie, puis se remit à penser à l'enfer qu'est devenu son quotidien.

    «-Je n'ai pas de présent et pas d'avenir. A quoi bon tenir ?» Se dit-elle ensuite, et s'approchant encore un peu plus du bord. Elle ignorait l'heure qu'il était, mais elle savait qu'à cette heure, plus personne ne passait sur ce pont. Sauter serait tellement facile...

    Dès lors, sans réfléchir, elle monta sur le bord du pont, se tenant sur le pilier. Elle regardait vers le bas. Elle se dit qu'elle ne manquerait à personne, vu qu'elle était constamment seule. Peut-être à son meilleur ami, parti à l'autre bout du pays à Los Angeles, mais il l'oublierait vite. Elle n'était rien, après tout. Juste une pauvre fille qui n'avait jamais eu de chance. Elle se concentra sur le vide, tout en se disant que sauter serait sans doute la meilleure chose qu'elle ferait dans sa vie. Elle ne faisait plus attention à rien, pas même au soudain crissement de pneus justement derrière elle. Elle n'entendait pas les cris d'un homme qui la suppliait de ne pas sauter. Et alors qu'elle s'apprêtait à se laisser tomber, deux bras l'empoigna par la taille, et la ramena en arrière. Elle se débattit, lui criant de la laisser tranquille, de la laisser mourir. Mais l'homme ne la lâchait pas. Puis, elle abandonna. Encore une fois. Elle se jeta presque dans les bras de cet inconnu, pleurant sans parvenir à s'arrêter. Elle lui dit qu'elle n'en pouvait plus de sa vie, se mettant ensuite à lui conter son existence, commençant par cette mère qu'elle n'a jamais connu, jusqu'au chaos qu'est devenu son quotidien. L'inconnu se contenta de l'écouter, tout en la serrant contre lui. Il finit par s'asseoir sur le trottoir, l'entrainant avec lui. Il essaya de la calmer, de la rassurer, et elle se laissa bercer par ses paroles, par le réconfort de son étreinte. Quelques minutes plus tard, il finit par se lever, alors qu'elle resta assise. Elle le regarda, se disant qu'il allait partir, et que plus jamais elle ne le reverrait.

    «-Je veux vous aider.» Lui dit-il avec assurance.

    «-Pourquoi ?» Lui demanda-t-elle alors. «Je ne mérite pas votre aide. Je ne suis qu'une pauvre fille sans importance et qu'on oublie.»

    «-Parce que j'ai envie de vous prouver que vous avez tort. Il n'est jamais trop tard. On peut toujours avoir une vie meilleure si l'on s'en donne les moyens. Il n'est jamais trop tard pour décider d'être heureux. Il suffit de faire le choix du bonheur, et c'est déjà un grand pas vers la guérison. J'ai envie de vous aider à croire de nouveau en la vie, en l'existence. Vous aidez à vous battre, et devenir quelqu'un. Une personne dont vos parents seraient fiers. Et j'ai envie de vous aidez, pour voir à quoi ressemble votre visage lorsqu'il est illuminé par un sourire.» Conclut-il en lui tenant la main, un air bienveillant sur le visage.

    Elle hésita un instant, mais elle finit par prendre cette main tendue qui l'aida alors, à se relever.

     

    Dix ans plus tard....

    Elle stressait. Mais elle était aussi très excitée. Mais elle stressait quand même, en le faisant savoir à son meilleur ami, évidemment présent en ce jour important pour elle. En même temps, il l'admirait, se disant qu'elle était sublime dans sa magnifique robe blanche de princesse, ressemblant presque à un ange en robe de mariée.

    «-On y va ? C'est l'heure.» Lui dit-il alors, alors que la jeune femme acquiesça aussitôt.

    La musique retentit. Une boule se forma dans son ventre. Puis elle leva la tête. Et elle ne vit que lui. Pas les quelques invités, pas le prête, lui. Elle avança alors d'un pas assuré jusqu'à l'autel, jusqu'à l'homme qui a changé sa vie, et à qui elle s'apprêtait à dire oui. Et à qui elle dit oui avec un immense sourire heureux. Les alliances sont échangés, un baiser est partagé. Ils sont ensemble, jusqu'à ce que la mort les sépare.

     

    Dix ans plus tard...

    Le feu crépitait doucement dans la cheminée, créant une magnifique ambiance chaleureuse dans le salon. Tori le regardait avec un sourire, ne faisant plus attention à ce qui se passait autour d'elle, perdue dans ses souvenirs.

    «-Maman ? Ca va pas Maman ?» L'interpella soudain une petite voix

    Elle baissa alors les yeux pour admirer la frimousse de son fils. Elle lui sourit, puis passa sa main dans les cheveux caramels de son enfant, pour enfin le prendre pour le poser sur ses genoux. Elle le serra ensuite dans les bras lorsque le troisième membre de la famille rentra enfin d'une longue journée de travail. Il s'approcha de sa petite famille. Il embrassa sa femme, ébouriffa les cheveux de son fils, puis posa sa main d'un geste tendre sur le ventre bien arrondi de son épouse. Cette dernière le regardait avec amour, tout en serrant son fils, Matthew, contre son cœur.

    «-Tu es magnifique quand tu souris, mon ange.» Lui susurra soudain le père de famille, tout en posant tendrement la main sur la joue de l'élue de son cœur.

    En guise de réponse, elle sourit.

     

     

    ------------------------------------------------------------------------------------------Estelle, Novembre 2011 

     


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  • J'entends des voix. Des chuchotements. J'ai mal à la tête aussi, et chaque respiration est douloureuse. J'essaie de bouger mais le moindre minuscule geste est désagréable. Les voix cessent soudainement. Je me rends compte que je viens de laisser échapper un gémissement. J'essaie d'ouvrir les yeux, mais je ne parviens qu'à les entre-ouvrir. Un léger filet lumière parvient à passer entre mes paupières, et cela suffit à m'aveugler. Je les referme aussitôt. Quelqu'un me murmure quelque chose au creux de l'oreille, cependant, je n'arrive pas à comprendre ce qu'il me dit. Enfin, elle. Il me semble que c'est une voix de femme. Mais je n'en suis pas certaine. Je tente une nouvelle fois d'ouvrir les yeux, devant cligner plusieurs fois des paupières pour pouvoir m'habituer à la luminosité. Je perçois les silhouettes de plusieurs individus. Une personne est vêtue d'une blouse blanche, je crois. Les deux autres sont habillés normalement, enfin à peu près. Je crois... Je n'en suis pas certaine... Une femme est proche de mon visage, l'homme la tient par l'épaule tandis que l'autre en blouse blanche se tient à l'écart. Elle me parle, d'une voix douce et rassurante, sans que je parvienne à comprendre ce qu'elle peut bien me dire. Elle semble inquiète, mais aussi rassurée.

    Elle est inquiète. Elle est soulagée.

    Étonnamment, je parviens savoir cela avec exactitude. Alors que je suis incapable de comprendre les mots qu'elle prononce. La personne en blouse s'approche de moi et me parle à son tour. Je ne comprends rien. Ma vision est toujours aussi trouble. J'essaie d'ouvrir la bouche pour tenter de dire quelque chose, mais aucun son n'en sort. Mes yeux se ferment, et je sombre dans l'inconscience.

    J'ouvre de nouveau les yeux. Difficilement, mais plus facilement que la première fois. Il fait sombre. Il fait nuit. Enfin, je crois. Je suis seule. Un calme apaisant règne dans la pièce. Mais je ne parviens pas de faire un quelconque geste. Je me contente alors de regarder devant moi un point invisible.

    Puis soudain, je suis frappée d'une douleur effroyable. Je ressens souffrance et peur. Deux émotions naturellement fortes, mais que j'avais l'impression qu'elles étaient multipliées par dix, voire plus. Je hurle de douleur, tellement que cette intrusion est violente, tellement qu'elle est insupportable. Une jeune femme entre précipitamment dans la pièce, affolée. Elle panique. Je le sens. Et pourtant, elle essaie de rester parfaitement calme. Elle crie quelque chose, tout en me tenant par les bras pour essayer de m'immobiliser. Je réalise que mon corps remue dans tous les sens, sans que je ne le veuille. Je continue de hurler. J'ai mal. Affreusement mal. Je veux que cela s'arrête. Quelqu'un d'autre entre en vitesse. Je ne sais pas ce qui se passe ensuite, car je viens de perdre de nouveau connaissance.

    J'ouvre de nouveau les yeux. Il fait jour. J'ai du mal à garder les yeux ouverts. Mais je veux savoir ce qui se passe. Une personne en blouse blanche se tient à côté de lit. Je sens qu'elle est préoccupée. Enfin, il. Il est préoccupé. C'est un homme, je parviens à le voir maintenant. Il s'agit d'un médecin. Mais cela ne m'en dit pas plus. Il me regarde, puis se penche vers moi. Il me parle. D'une voix calme, rassurante, et apaisante. Mais je sens qu'il veut comprendre quelque chose. J'ignore quoi. Mais il veut comprendre. Je le sais. Je le sens.

    Mais ses paroles n'ont aucun sens. Mon esprit est trop embrouillé pour que je parvienne à décoder ses mots. Je ferme les yeux, et je sombre encore dans l'inconscience.

    J'ouvre les yeux. Il fait toujours jour. Quelqu'un se tient près de mon lit. Un garçon. Pas très vieux. Jeune je dirai même. Je crois qu'il a mon âge. Il parle. Beaucoup. Je ne comprends rien, mais j'aime le son de sa voix suave. Elle me détend, me fait penser à autre chose qu'à mon actuelle situation que j'ignore encore. Je l'écoute avec attention, bien que ses mots ne me paraissent pas avoir de sens. Soudainement, il me prend la main. Il en caresse le dos avec son pouce. Une caresse douce avec plein de tendresse. Je ferme les yeux, pour savourer davantage cet agréable moment. Puis, quelque chose me frappe avec douceur. Il est amoureux. Mais il est inquiet aussi.

    J'ouvre de nouveau les yeux, surprise. Je ressens tout un tas de sentiments provenant de partout, surtout de la douleur et de la peur. Malgré mes nombreuses pertes de conscience, j'ai fini par le comprendre. J'ignore comment cela se fait. Ce n'est pas normal, c'est ma seule certitude.

    Cependant, la douleur et l'inquiétude me semblent bien lointaine désormais. Je ressens davantage ce que lui ressent, sans aucune violence. Et cela m'apaise. Bien que ressentir des sentiments étrangers est affreusement désagréable, ceux là ne me dérange pas, bien au contraire. Les siens balayent tous les autres, et prennent alors une place importante en moi. Comme si... Comme si je les partageais en fait. Je crois... Mais je me sens bizarre alors que je ne souviens pas de lui. Il ne me dit absolument rien, mais je sais que ses sentiments sont partagés. J'aimerai lui sourire, mais je n'y arrive pas. Je conserve un air totalement ailleurs, comme si j'étais étrangère à la scène. Mais mes sentiments sont bien là, réveillés par les siens.

    Puis, quelqu'un rentre, et dit quelque chose au garçon. Il soupire, puis commence à se lever, sans doute dans l'intention de partir, à contre-cœur. Je ne veux pas qu'il parte....

    Et sans savoir comment, ma main attrape son poignet, pour le retenir. Il sursaute de surprise, ne s'attendant pas à me voir effectuer un quelconque geste. L'intruse aussi semble étonnée, et s'empresse de sortir en écriant des paroles que je ne comprends pas. Le garçon ne penche vers moi et me susurre quelque chose. Je ne sais pas ce qu'il me dit, mais je l'écoute avec attention, profitant encore du son de sa voix, de ses sentiments qu'il a envers moi. Je cligne plusieurs fois des yeux pour avoir une vision plus nette, et ainsi, mieux voir son visage. Un visage doux, n'inspirant que sympathie. Des cheveux bruns plus ou moins bien coiffés, des lèvres fines... Et un regard marron intense, presque noir, dans lequel je me perds avec plaisir. Sa main a repris la mienne, et je savoure ce contact. J'ouvre la bouche, mais je suis bien incapable de prononcer le moindre son. Cela m'agace, mais sa présence me calme. Un homme rentre, et le garçon se redresse. J'attrape aussitôt son poignet, craignant qu'il s'en aille. L'homme est surpris de mon geste, comme si cela ne devait pas arriver. Je ne comprends pas pourquoi. Et à vrai dire, je m'en fiche. Du moment que lui, reste avec moi. Puis après, je ne me souviens de rien. Il me semble que j'ai perdu connaissance, comme cela m'arrive souvent.

    Je me réveille, et je remarque aussitôt que le garçon n'est plus là. Aussitôt, la déception s'empare de moi. Cela m'agace de m'endormir sans m'en rendre compte. Je n'ai pas pu profiter davantage de sa présence. Il fait nuit. Je ressens de plein fouet les sentiments des autres. Je tente de les contenir, de les repousser. Je serre les poings et les lèvres. Je veux qu'ils partent....

    Et je ne ressens plus rien. La douleur et la peur des autres ne m'atteignent plus. Je suis seule avec moi-même. Je soupire de soulagement... Avant de tout ressentir de nouveau, et me faire perdre instantanément connaissance.

    Je me réveille, avec un sourire aux lèvres. J'ai rêvé de lui. Un beau rêve, d'une certaine manière. Nous étions en cours, il était à côté de moi. Nous devions travailler par deux. J'étais heureuse, juste pour l'entendre parler, m'expliquer des choses avec sa belle voix, et il souriait, de temps en temps. Un joli sourire qui me met en joie. Et c'est tout. Ce n'est certes, pas grand chose, mais c'est mieux que rien. Peut-être c'est un souvenir.. J'aimerai bien. Je me demande s'il va revenir aujourd'hui. Si je vais revoir son visage, entendre de nouveau le son de sa voix. Je jette un coup d'œil par la fenêtre, du moins, j'essaie. J'ai beaucoup de mal à bouger. Le ciel est bleu. Il fait beau. Je souris de nouveau.

    Les jours passent, mais le garçon n'est pas revenu. Je ressens sans cesse la douleur des autres, et j'aimerai ressentir de nouveau son amour. J'ai mal partout, j'aimerai oublié cette souffrance. En contre-partie, des souvenirs me reviennent. Enfin, je crois qu'il s'agit de souvenirs. Il est toujours dedans. Je vois à chaque fois son visage. J'entends le son de sa voix. Et cela me fait du bien. Dormir ne me gêne plus. Puisqu'à chaque fois, je le vois, lui. Et dormir me permet d'oublier les autres, pour ne plus voir que lui. Et la douleur disparaît peu à peu. Même lorsque je suis réveillée. Je pense tellement à lui, voulant me souvenir de chaque moment passé à ses côtés, des mots qu'il a prononcé , que j'en oublie petit à petit les sentiments des autres. Ils sont toujours là, je les sens au plus profond de moi. Mais ils sont devenus insignifiants.

    La femme qui était là à mon premier réveil entre dans la chambre, accompagnée par l'homme en blouse blanche. Je crois que c'est un médecin. J'ai réussi à comprendre le son «doc». Ce n'est pas grand chose, mais c'est toujours mieux qu'avant. Il me parle, tandis que la femme me prend la main comme si elle voulait me soutenir. Elle demande quelque chose au médecin, où je parviens à comprendre que le mot «accident». Un mot... Je comprends un mot... Que je n'aime pas beaucoup, d'autant plus que la femme est inquiète. Je n'écoute plus. Je réfléchis, me demandant pourquoi elle a employé ce mot. Puis, quelque chose me sort de ma réflexion. Le médecin vient de mettre un miroir en face de moi. Je vois mon propre visage... Qui n'est pas beau à voir, pas du tout. J'affiche un air fatigué , avec un teint horriblement pâle, ce qui contraste avec mes cheveux noirs, qui sont ternes, moches. Mes yeux gris ne reflètent aucune vie, ne reflète rien du tout. Mes joues se sont creusées, aussi. Mais ce n'est pas cela qui me choque le plus. Ces petits détails qui montrent à quel point je suis affaiblie. Ce qui attire immédiatement mon regard, c'est le tube qui sort de ma gorge. Je lève péniblement le bras pour porter ma main vers ce tube. Il me semble avoir déjà vu ça quelque part. A la télé, je crois. Dans une série médicale, puisque ce tube me permet de respirer, si mes souvenirs sont bons. Ceci explique pourquoi je n'arrivais pas à parler. Mais je ne comprends pas comment il est arrivé là. Je ne m'en souviens pas. Y aurait-il un rapport avec le mot «accident» employé par la femme ? Aurais-je eu un accident ? Peut-être... Sans doute... Cela expliquerait bien des choses. Ces douleurs... Mon amnésie... Sauf le fait que je ressens tout ce que ressentent les autres autour de moi. Et je crois que je préfère ne pas savoir. Peut-être que cette étrange capacité finira par partir avec le temps... Je ne sais pas..

    Le médecin part, et la femme reste quelques instants avant de partir. Elle est tristeElle n'aime pas me voir ainsi. En même temps, voir quelqu'un à qui on tient avec un tube dans la gorge ne doit pas être facile. Du moins, je le suppose.

    Puis je m'endors et je rêve d'un souvenir. Je suis dehors, devant une grande bâtisse. Il est devant moi, avec un air embêté, désolé sur le visage. Je ne comprends pas pourquoi. Quelque chose ne va pas. Ensuite, je m'entends dire «je ne compte pas pour toi ? Tu n'agirais pas comme ça si c'était le cas... Je te déteste !». Et je me vois courir, en pleurant, ignorant le garçon entrain de crier pour essayer de me retenir, pour pouvoir s'expliquer. Je cours, sans faire attention. Et une voiture qui roulait trop vite pour une route limitée à 30 km/h me percute. Puis, le trou noir...

     

    J'ouvre les yeux. Une nouvelle fois. Je tourne la tête. Je le vois. Il me sourit. Il est heureux de me voir réveillée. Mais je sens qu'il y a autre chose...

    Je porte ma main à mon cou, et je ne sens rien. Plus de tube. Je respire de nouveau par moi-même, et non plus grâce à une machine. J'ai toujours mal, mais moins qu'avant. Je le regarde. Je comprends qu'en fait, c'est parce que je n'ai plus ce tube dans la gorge qu'il est heureux. C'est un signe de guérison.

    Il me prend ma main. Je ressens à nouveau ses sentiments, avec davantage d'intensité. Cela m'apaise, de pouvoir savoir comment il va, deviner ce qu'il pense de moi au travers de son cœur. J'ignore pourquoi j'ai cette étrange capacité, mais pouvoir ressentir ce que lui ressentir est un grand réconfort. Alors je bénis le ciel de m'avoir offert ce don, rien que pour pouvoir ce contact unique avec l'extérieur.

    Je lui souris une nouvelle fois. Pour ensuite ouvrir la bouche, et murmurer d'une voix rauque :

    -Je t'aime.

     

     

    ----------------------------------------------------------------------------------------Estelle, Décembre 2011

     


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  • C'est le soir. La lumière faiblit. Le soleil entame sa lente descendante dans l'horizon pour se coucher. Quant à moi, je suis allongée sur mon lit à regarder fixement le plafond. Je suis allongée sur mon lit, les mains sur mon ventre, sans rien faire d'autre que de fixer le plafond blanc de ma chambre. Il n'y a pas un bruit, à part une faible musique provenant de ma radio à laquelle je ne fais que très peu attention. Je ne vois pas ce que je pourrai faire en attendant que l'on m'annonce qu'il est temps de venir manger. Mon ordinateur est allumé, posé à sa place, sur mon bureau. Mais je n'y suis pas, je n'ai rien à y faire. A part rester assise sur ma chaise à scruter l'écran avec anxiété et espoir de le voir se connecter sur un célèbre réseau social, je n'ai rien d'autre à y faire. Alors je reste là, sur mon lit, à observer sans regarder le plafond. Et je m'interroge sur moi-même, et sur ce garçon que je côtoie régulièrement au lycée. Un garçon très gentil, l'un des seuls qui daigne m'adresser la parole. On parle de tout et de rien, on rigole bien ensemble aussi. Lorsque je le vois, et que l'on discute, j'ai l'impression que le temps s'est arrêté, qu'il n'existe plus rien d'autre autour de nous. La fin du monde pourrait avoir lieu que je ne paniquerais pas, tant que je suis avec lui, tant que mon regard peut plonger dans le marron de ses yeux. Un regard qui m'hypnotise, me captive tellement qu'il est intense, doux, rempli d'affection et de sympathie. Et lorsque je pense à lui, quelque chose que je ne saurai définir s'empare de moi. J'ai la sensation qu'un agréable trou se creuse à l'intérieur de moi, que ma respiration se fait plus difficile par certains moments, sans que cela ne me dérange. Je regarde le plafond, et j'imagine tout un tas de scénario farfelus, irréalistes, alimentés de rêves de belles histoires d'amour d'adolescente. J'ai comme l'impression que mon cœur se serre. Serais-je entrain de ressentir plus qu'une simple amitié ? Serait-ce cela que les gens recherchent sans cesse ?

     

    C'est le soir. La lumière faiblit. Mais je n'y prête pas attention. Je suis devant mon ordinateur, les doigts au-dessus de mon clavier. Je regarde la fenêtre qui s'est ouverte, sa photo et son nom affichés tout en haut, et un rectangle blanc. Je sais qu'elle est connectée, je le vois par le point vert à côté de son joli nom. Mais j'hésite. Je ne sais pas pourquoi mais j'hésite. Je ne devrais pas, il s'agit d'une simple amie. J'espère secrètement qu'elle vienne me parler la première, pour que je n'ai qu'à lui répondre. Et si elle vient me parler d'elle-même, cela voudra sans doute dire qu'elle tient à moi... Pourquoi je me pose de telles questions ? Ce n'est qu'une amie... Une simple amie... Et pourtant, je ne peux m'empêcher de regarder sa photo de profil, une simple photo d'elle durant les dernières vacances où elle est partie à la campagne. Ses cheveux châtains volent dans le vent, et ses yeux verts pétillent de bonheur. Des yeux verts magnifiques, selon moi. Je vais sur son profil, et je clique sur sa photo pour la voir en plus grand, et je souris en voyant son visage qui n'inspire que gentillesse, avec un léger sourire. Je connais ce sourire. Elle l'affiche quand elle est embarrassée, mais aussi à la fois amusée, voire heureuse. Je l'ai remarqué il y a quelques jours, lorsqu'un pote l'a taquiné sur notre complicité. Il s'agissait d'une simple blague, qui l'a amusé, mais aussi gênée. Il avait simplement dit que nous ressemblions à un couple d'amoureux. J'ignore comment je dois interpréter ce sourire suite à une telle phrase. Il n'a fait que de plaisanter, il n'y a pas de quoi se sentir mal à l'aise. Pourtant, elle l'était. Je ne sais pas pourquoi... Peut-être... Peut-être qu'elle m'aime bien ? Comme un crétin, moi, j'ai rougi. C'est ce même pote qui me l'a dit, pendant le cours d'anglais.

     

    C'est le soir. Il fait de plus en plus sombre. Mais je n'y prête toujours pas attention. Je suis toujours sur mon lit, allongée sur le dos à scruter le plafond. Il n'a rien d'intéressant, ce plafond blanc. Mais je le regarde sans le voir. Mes pensées vagabondent, et mon esprit est à mille lieux de ma chambre. La lumière de mon bureau s'impose davantage. Mais je n'y fais pas attention. Une même musique tourne en boucle sur mon ordinateur. Your Call, de Secondhand Serenade. Une chanson magnifique, que je ne me lasse jamais d'écouter. Elle m'aide à me détendre, et à réfléchir. Je pense sans cesse à lui. J'ai rêvé de lui la nuit dernière. Nous étions devant le lycée, il me souriait. Il m'assurait que tout irait bien, tout en conservant son sourire qui m'a mis aussitôt en confiance. Il m'a pris doucement la main, il a approché son visage du mien et à poser ses lèvres contre les miennes. Un baiser furtif, tel une caresse, et lorsqu'il prit fin, le décor n'était plus le même. Le lycée, la rue, la boulangerie, les voitures, les gens, tout cela avaient disparu, pour ne laisser place qu'à un champ de fleurs. Nous étions seuls au milieu de nulle part, et je m'en fichais. Puis, je me suis réveillée. J'ai maudit mon réveil. J'ai eu envie de le balancer par la fenêtre, mais je ne l'ai pas fait. Ce serait ridicule. Mais ce rêve était super. Je ne cesse de revoir les images dans ma tête. Il me paraissait tellement réel, comme tout merveilleux rêve. Je ne veux pas l'oublier, puisqu'il était merveilleux. Je me mets à sourire bêtement, comme une idiote, toute seule dans ma chambre. Je regarde le plafond, et je m'interroge. Pourquoi je me sens si étrange en ce moment ? Quelle est cette sensation étrange ? Je prends mon portable que j'avais précédemment jeté non loin de moi, et j'envoie un message à une amie. Peut-être qu'elle pourra m'aider.

     

    C'est le soir. Il fait de plus en plus sombre. Je suis toujours devant mon ordinateur, ne faisant rien d'autre que d'espérer qu'elle vienne me parler. Elle est connectée, je le vois, mais pourquoi ne vient-elle pas entamer une discussion ? Elle fait peut-être autre chose. A moins qu'elle n'en a pas envie... Je me prends la tête entre les mains, et je respire un grand coup. Cela me fait tout drôle d'attendre bêtement de cette manière, cela n'est pas dans mes habitudes. Je ne suis pas particulièrement patient, je n'aime pas rester comme un idiot au même endroit sans rien faire. Heureusement que je suis tout seul chez moi, coincé sous l'escalier. Mes parents sont partis au restaurant, ma mère accompagnant mon père pour un diner entre collègues. Au moins, pour une fois, ils ne s'interrogeront pas sur mon attitude étrange et sur mon manque d'appétit. Ainsi, je peux me remettre en question sans être dérangé, sans que l'on me pose des questions auxquelles je n'ai pas envie de répondre. Soudain, quelqu'un vient me parler. Je l'entends par un simple son. Je lève aussitôt la tête, plein d'espoir. Mais je suis très vite déçu. C'est juste un pote. Le même qui a fait la plaisanterie. «Yo mec, comment ça va ?», qu'il me demande. En lisant cela, je hausse simplement les épaules, même s'il ne peut pas me voir. J'attends un moment avant de lui répondre. Je n'ai pas particulièrement envie de parler. Mais je lui dis que je vais bien. Sans rien de plus. Il me demande aussitôt si je pense à elle. Je n'ai pas envie de lui donner une réponse. Cela ne regarde que moi. Et je ne désire pas d'être le sujet d'une nouvelle blague de sa part. Je ne suis pas d'humeur. Mais à ma grande surprise, il me demande pourquoi je ne vais pas lui parler, puisqu'elle est connectée. «Invite la au ciné.», qu'il a ajouté ensuite.

     

    C'est le soir. La nuit est maintenant tombée. Je suis allongée sur mon lit, sur le côté. Je regarde mon portable. Mon amie vient de me répondre. Je relis sans cesse son message, me repliant un peu plus sur moi-même. J'ai froid. Je n'aime pas l'hiver. Ma main tremble légèrement tandis que mes yeux parcourent une nouvelle fois le SMS. «Tu ne serais pas amoureuse, toi, par hasard ?», qu'elle m'a dit. Et lorsque j'y pense, mon cœur se serre une nouvelle fois. Il se pourrait bien qu'elle ait raison, et cela me fait peur. Je n'ai pas envie de tomber amoureuse. L'amour, cela fait plus de mal que de bien. Je le sais, j'ai assisté aux dégâts de ce sentiment. Mon père aimait les clichés, il a trompé ma mère avec sa secrétaire. Plus d'une fois. Il n'avait pas l'excuse de l'alcool. Il avait pleinement conscience de ses actes. Ma mère l'a découvert. Elle l'a fichu à la porte en jetant ses affaires par la fenêtre et en faisant changer la serrure de la porte pendant qu'il était parti à un de ses prétendus voyages d'affaire. Il a fait une drôle de tête lorsqu'il est rentré. Mais ma mère n'a accepté de lui parler qu'au moment du divorce, et elle a pleuré pendant des jours. Elle se refermait sur elle-même, refusant de sortir, de quitter son canapé, plongeant lentement vers la dépression. Je l'aidais du mieux que je pouvais, mettant mes études de côté, si bien que mes notes ont chuté. Au final, je suis allée vivre chez ma tante, ma mère ne voulant pas que ses propres problèmes m'affectent. Je ne le souhaitais pas au début, comme je refuse obstinément de voir mon père. Mais elle m'a promis que je retournerai chez elle, un jour, lorsqu'elle ira mieux. Mon portable vibre soudainement dans ma main. Je regarde le message. Encore mon amie. «Tu devrais lui dire, sinon, tu vas le regretter.», qu'elle me dit. Je finis par cacher mon portable sous mon oreiller. Je ne veux plus lire ses conseils. Je ne veux pas sombrer comme ma mère. Je ne comprends pas pourquoi les gens cherchent l'amour. Il crée trop de dégâts, de souffrances inutiles. Et pourtant, on souffre aussi quand on n'en a pas. C'est peut-être pour cela que l'amour est tant recherché. Si on doit souffrir, autant être heureux avant. Parait-il que l'amour, cela rend heureux. Je ne sais pas. Ce sentiment est tellement inconnu pour moi, et pour l'instant, il me fait plus de mal que de bien. Je ne veux pas tomber amoureuse, et pourtant, je crois que je n'ai pas tellement le choix.

     

    C'est le soir. La nuit est maintenant tombée. J'ai écrit de quoi entamer une conversation avec elle, mais je n'ose pas l'envoyer. Et si elle ne me répondait pas ? Et si elle n'avait pas le temps, ni l'envie de me parler ? Mon pote ne cesse de me harceler pour savoir si je me suis décidé à lui parler. Il m'agace quand il fait cela, quand il est incapable de s'occuper de ses affaires. Il peut être lourd quand il s'y met, et c'est sans doute pour cela que je n'ai pas spécialement envie de lui parler d'elle, de me confier à lui. C'est un bon pote, mais cela reste là. Il n'est pas plus, il n'est pas moins. Je ne sais pas comment m'en débarrasser pour qu'il me laisse enfin tranquille. Je préfère l'ignorer, et me concentrer sur cette simple phrase que j'ai écrite, mais que j'hésite tellement à envoyer. J'espère qu'elle m'aime bien. Du moins, un peu... Je crains que ce ne soit pas le cas, et qu'elle ne me voit que comme un ami. Ce serait déjà bien. Mais pas suffisant. J'aimerai avoir plus. Sans plus réfléchir, j'envoie le message, et j'attends.

    C'est le soir. Il fait nuit. Je suis sur mon lit. J'ai pris une peluche qui traînait et je l'ai serré contre moi. J'ai mal. J'ai peur. J'ai l'impression de perdre le contrôle de la situation. J'ai horreur de cela. J'aime bien contrôler, je n'aime pas les imprévus. Et là, je ne me sens pas bien. Le temps passe à une lenteur affolante. J'ai envie que l'heure soit venue de dormir, pour sombrer dans un sommeil profond où les problèmes n'y ont pas leur place. Histoire de les oublier, l'espace d'un instant. Et puis soudain, j'entends un bruit, provenant de mon ordinateur. Je ne tarde pas à réagir. Je me redresse, m'asseyant sur mon lit. Je reste un instant sans bouger, le regardant avec curiosité. Quelqu'un vient de me parler. Mon cœur fait un bond dans ma poitrine. J'espère que c'est lui. Mais je crains que ce ne soit pas le cas, et si c'est cela, je préfère de ne pas le savoir. Je me lève, et je m'approche doucement de mon bureau. Je m'installe sur ma chaise, et je vais sur la page internet. C'est lui. C'est lui qui m'a parlé. Mes lèvres esquisse un sourire. Et je lui réponds que je vais bien, pour ensuite lui renvoyer la question. Il me dit qu'il va bien, et me demande ce que je fais, deux minutes plus tard. Je lui réponds que je ne fais rien. Puis, il ne répond plus. J'attends. Je suis devant mon ordinateur, tapant nerveusement du pied, me rongeant les ongles. Je n'aime pas quand il fait ça. Cela me stresse. J'ai l'impression que je ne compte pas pour lui. Et cela fait mal, terriblement mal.

     

    C'est le soir. Il fait nuit. Je suis devant mon ordinateur, et j'hésite. Je voudrais suivre le conseil de mon pote, et lui proposer d'aller au cinéma. Une petite sortie rien que tout les deux. Mais j'hésite. Et si elle ne voulait pas ? Je n'aime pas ses réponses. Elles sont vagues, trop vagues à mon goût. Et si elle n'en avait rien à faire de moi ? Je respire un grand coup. J'essaie de faire le vide dans ma tête, de ne plus penser à rien. Calmement, je lui écris quelque chose. Une phrase simple, une demande sans superficialité. Simplement un «ça te dit qu'on aille au ciné ce week end ?». Ce n'est pas bien méchant. J'attends un instant, mes pensées se bousculant dans ma tête. Et si elle refuse ? Si, par cette simple proposition, elle se doute de quelque chose ? Et si, elle s'éloigne de moi ? Je secoue légèrement la tête, et sans réfléchir davantage, j'appuie sur une touche pour l'envoyer. Dès lors, je ne quitte pas l'écran des yeux, et le stress monte en moi. J'ai du mal à rester en place sur ma chaise, remuant sans cesse. J'aimerais accélérer le temps, même si je crains sa réponse. Je vois qu'elle écrit quelque chose, peu de temps après que j'ai envoyé le message. Je ferme les yeux. Je ne veux pas voir la réponse. J'ai peur d'un refus. J'entends le son. Elle m'a répondu, ça y est. Je tente de rester calme. Et j'ouvre doucement les yeux, pour voir avec soulagement et bonheur ce qu'elle a écrit.

    «Pourquoi pas. Je dois aller manger. On en reparle demain ?»

    Il fait jour. Le soleil vient de se lever. J'ouvre doucement les yeux et je souris en voyant les rayons lumineux traverser les volets en bois. Aujourd'hui sera une belle journée ensoleillée. Je reste un peu allongée sur mon lit, ne pensant à rien d'autre qu'à lui. Je finis tout de même par me lever avec douceur, sans me presser. Je prends mon portable qui est sur la table de nuit pour l'allumer et voir si j'ai un quelconque message. Il y en a un. De lui. Je l'ouvre sans attendre. «J'ai hâte d'être cette après-midi. Je passe te prendre ?» Je souris une nouvelle fois. J'ai l'impression que mon cœur bat à une vitesse folle. Je lui réponds avec hâte avec sans aucun doute un sourire niais, pour ensuite reposer mon téléphone à sa place initiale. Je m'approche lentement de ma fenêtre. Je l'ouvre, ainsi que les volets. Le ciel affiche encore quelques teintes rosées et un vent frais glisse sur mon visage. Je ferme les yeux et je savoure ce doux moment.

    C'est le matin. Le matin d'une belle journée. Le matin d'une possible belle histoire...

     

     

    ------------------------------------------------------------------------------------------------Estelle, Mai 2012


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